La cristallerie de Vonêche

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Au 18e siècle, La Belgique est l'un des plus grand fabricant de verre en Europe. A l’époque, le verre était plus ou moins transparent selon les techniques utilisées. Les grands maîtres verriers étaient capables de produire un verre pur et éclatant : le cristal. Le cristal est un type de verre riche en plomb découvert au 17e siècle permettant la réalisation d’objets précieux tels que des services de table, des lustres, des objets de décoration. Les objets en cristal sont plus malléables et offrent donc une plus grande diversité dans les décors réalisés, d’où leur popularité. La fabrication du cristal commence au 18e siècle avec des lieux spécialisés : les cristalleries.

La cristallerie de Vonêche est l’une des cristalleries les plus réputées. Il existait pourtant déjà plusieurs verreries en Wallonie et à Bruxelles au 17e siècle, à Namur ou Charleroi par exemple. A la fin du 18e siècle, Rhénan Jean-Gaspard André, un maître souffleur, met au point une toute nouvelle verrerie avec un juriste, Pierre-Nicolas Mathys. Ce dernier a l’intention de produire différents types de verre et reçoit l’accord de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche pour la création d’une nouvelle verrerie. D’abord appelées Verreries Impériales puis Verreries Royales de Vonêche, elles sont mises en service à partir de 1779. Ces verreries produisent principalement du verre à vitre. Elles ont également une activité de verrerie taillée et décorative selon les commandes des clients venant des villes alentour : Bruxelles, Gand, Arlon, Bruges, entre autres.

Après le décès de Jean-Gaspard André, la verrerie est dirigée par ses collaborateurs : Letrange puis Henri Gobu. Cependant, le contexte tourmenté de la Belgique nuit à l’entreprise. Les Etats Belgiques unis ne durent pas et les Autrichiens reprennent le pouvoir en décembre 1790. La verrerie ferme un moment, faute de clients.

Puis le contexte du 18e change l’orientation de la verrerie : Napoléon veut enrayer le monopole des verreries anglaises. Aimé-Gabriel d’Artigues, un citoyen français, rachète la verrerie en 1793 en ayant le projet de produire du verre à vitre et du cristal à la manière anglaise. Il rénove l’usine de Vonêche, l'agrandit, et engage des familles françaises venues d’Alsace et de Lorraine. Dès 1806, la renommée de Vonêche est incontestable. En prévision d’une exposition générale et publique des produits de l’industrie française, Aimé-Gabriel d’Artigues présente ses productions aux membres de la Chambre consultative des arts et manufactures de Namur. Le résultat est sans appel : la qualité du cristal est qualifiée d’exceptionnelle. Aimé-Gabriel d’Artigues a introduit un procédé de fabrication novateur qui produit un cristal limpide, dur, facile à travailler et surtout moins cher que ses concurrents.

Au 19e siècle, la cristallerie de Vonêche devient la plus grande cristallerie continentale d’Europe. Elle rivalise largement avec ses concurrentes anglaises en employant entre 600 et 700 personnes en 1810. La période de l’Empire favorise également le commerce : l’essor économique de la haute bourgeoisie lui permet d’acquérir des objets précieux, tels que des lustres, et le luxe de la noblesse est mis à sa disposition. Ainsi, la cristallerie de Vonêche dispose d’une importante clientèle en demande de produits luxueux. Le Musée des Arts décoratifs de la ville de Namur possède un service de table qui représente une partie de la production de Vonêche.

Vonêche n’est cependant pas la seule entreprise wallonne à produire des objets en cristal à cette époque. Notamment, l’entreprise Zoude, installée à Namur au milieu du 18e, connaît également une importante production avec la volonté de produire du cristal anglais. Cependant, après l’échec d’une vente publique de verrerie, l’entreprise Zoude connaît une période de transition entre 1785 et 1818 avant d’être reprise par Louis Zoude. Après cette période, l’entreprise fait un effort pour le redressement de la verrerie namuroise et Louis Zoude fait rapidement partie des personnalités importantes de Namur, alors que la cristallerie de Vonêche connaît ses premières difficultés à la même époque.

La chute de Napoléon met fin à l’important commerce de la cristallerie de Vonêche. En effet, la fin de l’Empire amène une reconfiguration politique et économique de l’Europe par le traité de Vienne : l’entreprise était sous le régime français, mais la fin de l’Empire la sépare de la France en la rattachant aux Pays-Bas. Cela a pour effet de priver la verrerie d’une partie de ces marchés. Pour essayer de conserver ses clients français, Aimé-Gabriel d’Artigues ouvre une verrerie à Baccarat, en France. En 1826, et devant la réussite de l’entreprise de Baccarat, François Kemlin et Auguste Lelièvre, deux administrateurs à Vonêche, quittent l’entreprise et ouvrent leur propre cristallerie au Val-Saint-Lambert dans la région liégeoise, où les ressources sont plus accessibles. Les ouvriers qualifiés quittent la cristallerie de Vonêche ce qui la pénalise. Une partie des installations et du personnel qualifié de la cristallerie de Vonêche a été ajoutée à l’entreprise Zoude ce qui lui permet de surmonter les crises de l’indépendance belge et de soutenir la concurrence du Val-Saint-Lambert.

La révolution belge de 1830 affecte l’entreprise de Vonêche, qui est obligée de céder ses parts à l’entreprise de Baccarat en 1831. Quelques ouvriers sont néanmoins restés actifs sur le site en exploitant les stocks déjà produits avant la fermeture. La cristallerie de Vonêche ne ferme véritablement ses portes qu’en 1852. Pendant encore 20 ans, la cristallerie continue de fabriquer des productions d’une grande qualité, notamment des pièces en l’honneur du premier monarque belge Léopold Ier, dont une salière frappée de son monogramme conservée dans les collections communales. D’autres pièces y sont conservées, témoignant de la riche production de cette éphémère manufacture.

Emma Laurent

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